LE CERCLE. Pour les entretiens de recrutement, la consigne est rabâchée jusqu’à l’usure : vendez-vous, sachez vous vendre… mais pour quel résultat ? Et avec quels dégâts ?
• Le Cercle Les ECHOS 14/04/2013 |
Le message est quasi unanime et fait certainement partie des conseils les plus prodigués aux chercheurs d’emploi et aux personnes en quête d’une nouvelle opportunité professionnelle. Les stages, séminaires et autres training fleurissent sur ce thème dispensé par toutes sortes d’organismes.
Et pourtant… au risque d’enfoncer une porte ouverte, je défends que l’entretien de recrutement n’est pas un acte de vente au sens réel du terme. Selon moi, il s’agit bien plus d’une démarche de cooptation entre deux parties qui vont trouver un intérêt mutuel à travailler ensemble. Un recrutement raté c’est au moins deux malheureux : un employeur et un employé avec toutes les conséquences qui en découlent.
Nous ne sommes pas tous égaux quant à la faculté de nous vendre
Certains possèdent une capacité naturelle, pour d’autres l’exercice mérite effort, et enfin certains autres ont de réelles difficultés. Tout simplement comme on peut être plus ou moins doué pour le sport ou la musique.
Il est logique d’admettre que la consigne « vendez-vous » ne concerne pas ceux qui ont une facilité naturelle à le faire. Pour les autres catégories, la situation mérite d’être analysée plus complètement. Out d’abord, cette seconde population part avec le handicap d’un complexe : je ne sais pas me vendre. Il est quand même regrettable d’être complexé sur un point mineur si l’on admet que ce fameux entretien de recrutement n’est pas un acte de vente. Durant ces dix dernières années, j’ai participé à des centaines d’entretiens de recrutement et j’ai pu constater les effets secondaires et néfastes de la terrible consigne.
Première illustration : face à moi un (e) candidat (e) qui essaie de mettre en pratique les quelques conseils qu’on lui a prodigués. Systématiquement le naturel, la spontanéité sont en net recul. La qualité de son écoute est fortement affaiblie, car il mobilise ses facultés à mettre en œuvre les techniques qu’on lui a transmises. Pour faire un parallèle, j’ai l’impression d’être face à un comédien préoccupé par son texte et qui cherche à placer ses effets. Tellement tendu vers ces objectifs, il en oublie de jouer avec son ou sa partenaire.
Seconde illustration : En cours d’entretien, un(e) candidat(e) qui perd pied. Stress, question surprenante du recruteur ? Attitude déstabilisante ? Plus rien ne colle avec le scénario qu’il avait préparé. Je me trouve alors face à un comédien qui a oublié son texte. Un comédien qui ne sait plus se placer dans l’espace.
Troisième illustration : Ce qui m’a le plus frappé durant mes entretiens de recrutement c’est le cas des commerciaux aguerris. Car disons-le, ce sont à priori eux les mieux placés pour se vendre. Les vrais spécialistes ! Et pourtant… j’en ai vu certains planter totalement leur prestation. Une constante dans ce cas, ils avaient enfilé leur costume de super commercial. Ils étaient dans l’auto caricature. Là, j’étais confronté à un comédien en pleine parodie de son propre personnage.
Vous avez un entretien de recrutement demain, vous pouvez légitimement m’interpeller : dénoncer ne suffit pas s’il n’y a aucune proposition ou piste en complément. L’honnêteté m’oblige à rappeler que le recrutement n’est pas une science exacte. Certes, les techniques appropriées, la formation, l’expérience sont autant d’éléments qui forgent une expertise, mais devraient renforcer également modestie et humilité. Et il y a autant d’exceptions qu’il y a d’entretiens et de candidats.
Tout d’abord, il est impératif que je précise un point essentiel, quand j’écris « ne vous vendez plus », cela ne signifie nullement que vous n’avez pas à séduire. Donc bien entendu, présentez-vous sous votre meilleur jour tout en restant le plus proche possible de votre personnalité. Très simplement, vous empêtrer dans le rôle d’un personnage qui ne vous ressemble pas est une forme de mensonge dont vous risquez d’être la première victime.
Avant de penser à ce que vous allez dire ou devez dire : pensez à écouter. Aucun argument, aucune réponse n’a de sens ni d’impact si vous ne répondez pas à la réelle question qui vous a été posée. Sachez également que pour certaines questions, le fait que vous répondiez blanc ou noir n’a strictement aucune espèce d’importance. Ce qui intéresse votre interlocuteur c’est la façon dont vous allez traiter la question, votre niveau de compréhension, votre honnêteté intellectuelle, votre vivacité.
Chaque recruteur à ses trucs, pour ma part j’aime détecter chez un(e) candidat(e) le défaut qui va vraiment me séduire. En fonction des contextes certains défauts sont des atouts, n’ayez aucune honte à ne pas être parfait. Un entretien, ça se prépare, mais il ne sert à rien de l’intellectualiser. La simplicité entraine la simplicité. Retenez qu’il n’y a pas non plus que de bons recruteurs, mais n’en profitez jamais pour leur attribuer vos propres erreurs ou échecs.
Alors candidats, ne vous vendez plus… et vous aurez sans doute plus d’acheteurs.